Tout le monde pensait que le garçon avait disparu, jusqu’à ce que la gouvernante fasse l’impensable.

Partie 1 — La Fête et l’Effondrement

La Maison de Old Mill Road

Le premier son fut le doux tintement du cristal, le deuxième, des rires qui montaient et descendaient comme une marée, et le troisième — si ténu qu’on ne l’entendrait pas si l’on n’y habitait pas —, le léger bourdonnement des bouches d’aération dissimulées dans une maison trop vaste pour jamais être vraiment chaude.

La propriété des Whitmore se dressait au bout d’une longue allée bordée d’arbres à Greenwich, dans le Connecticut — un édifice emblématique de pierre et de verre, avec des pelouses en terrasses descendant vers un petit lac. C’était le pays de la vieille aristocratie, poli à l’extrême : des haies taillées au millimètre près, un personnel aux mouvements furtifs, un hall d’entrée si vaste qu’il résonnait.

À l’intérieur, la grande salle était pleine de monde. Plus de deux cents invités avaient répondu à l’appel pour célébrer les quinze ans de mariage de James Whitmore, magnat de l’immobilier et habitué des conseils d’administration, et d’Evelyn Hart Whitmore, philanthrope, mécène et responsable des événements mondains, dont le nom figurait en bonne place sur les listes de bienfaisance. Un quatuor à cordes, installé sous la mezzanine, faisait résonner ses notes cristallines sous la voûte. Des orchidées blanches ornaient le buffet comme un ruisseau.

Au fond de la cuisine, les manches retroussées, les mains savonneuses, se tenait Rose Martinez, cinquante-deux ans, Américaine née et élevée à El Paso, au Texas, l’aînée de trois enfants, avec une posture qui trahissait une force herculéenne. Sept années passées chez les Whitmore. Sept années d’organisation, de linge de maison, d’agendas et de prières silencieuses pour que la journée ne soit pas trop éprouvante.

« Attention aux Waterford », lança le traiteur d’un ton doux, et Rose acquiesça sans lever les yeux. Son uniforme gris était impeccablement repassé ; ses cheveux noirs étaient parfaitement coiffés. Rose avait travaillé dans cette maison, traversant de longs hivers et des étés caniculaires, des galas et des nuits blanches, des anniversaires et des récitals de piano. Elle était arrivée l’année où Evelyn était enceinte et avait été là pour sa première dent, ses premiers pas, son premier genou écorché.

Caleb Whitmore, sept ans, se déplaçait comme le soleil. Ce soir-là, il portait un élégant costume bleu marine et ses boucles brunes rebondissantes brillaient. Il se faufilait entre les adultes et esquivait les doigts bien intentionnés qui voulaient lui pincer les joues. Il franchit la porte de la cuisine en trombe, glissa sur le parquet en noyer poli et lança à Rose un sourire complice.

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